Après la victoire de Nicolas Deseuzes et Razzia des Sables dans l’épreuve d’ouverture, la Marseillaise a retenti à nouveau ce soir dans le prix French Tour Generali, première épreuve majeure du week-end bordelais.
Quarante-et-un couples se sont élancés sur le parcours dessiné par Uliano Vezzani et disputé sur des cotes à 1,50m. Si Maikel van der Vleuten, parti en début d’épreuve, a longtemps tenu la tête avec Arera C (Indoctro x Voltaire), il a dû céder son trône au trente-huitième concurrent, Simon Delestre, qui avait sellé pour l’occasion Chadino (Chacco Blue x Narew ps). Chadino, qui a participé aux JEM de Caen en 2014 et aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro l’an dernier sous couleurs ukrainiennes, est déjà très performant avec le Lorrain qui ne le monte que depuis quelques mois et ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Je suis hyper content car à la base Chadino n’était pas le plus rapide des chevaux, mais aujourd’hui, avec le contrôle que j’ai, je peux profiter de sa grande action sur laquelle il peut faire la différence ce qui est de bon augure si on sait qu’aujourd’hui, tous les barrages de Grand Prix se courent vite. C’est un cheval qui a un rayon exceptionnel, des moyens énormes, un cheval capable de tout faire et si maintenant, il peut être rapide, c’est absolument génial. C’est un crack, c’est un cheval qui, je pense, a tout », confiait-il à l’issue de l’épreuve.
La troisième place revient à Denis Lynch et All Star 5 (Argentinus x Alme) , qui termine tout de même à deux secondes du vainqueur du jour, juste devant le numéro un mondial Daniel Deusser, 4ème avec Hidalgo (Quadrillo x Andiamo).
Vainqueur de cette même épreuve l’an passé avec Nice Stephanie, Pénélope Leprévost s’empare cette fois de la 5ème place en compagnie de Ratina d’la Rousserie (Quaprice Bois Margot x Apache d’Adriers). Deux autres cavaliers français rentrent dans le top huit : Jérôme Hurel est 7ème avec Urano (Baloubet du Rouet x Kannan) et Philippe Rozier 8ème en compagnie de Reveur de Kergane (Hornet Rose x Elan de la Cour).
Les regards de l’ensemble des cavaliers sont désormais tournés vers le Grand Prix Coupe du Monde qui aura lieu demain à partir de 20h30.
Résultats complets de l’épreuve
Avec communiqué RB Presse
Photo : Simon Delestre et Chadino, vainqueurs du prix French Tour Generali - Webstallions
Dernière partie de notre entretien avec Abdel Said.
Parlons maintenant d’élevage, élevez-vous avec vos anciennes juments de concours ?
J’ai commencé l’élevage avec Sky-High. J’ai eu la chance d’être très proche de la famille Hendrix. Quand Sky a été blessée et qu’elle a dû être mise à l’élevage, Paul Hendrix m’a suggéré de l’envoyer chez Joris de Brabander avec qui j’ai travaillé à ce moment-là. Nous avons eu des poulains dont nous sommes copropriétaires et que je forme en ce moment. Ce sont des chevaux qui viennent de prendre cinq ans et qui semblent très prometteurs : ce sont des produits de Diamant de Semilly, Norton d’Eole et Nabab de Reve. Après cela j’ai continué à élever avec Sky mais seul. J’ai un produit qui prend deux ans par Vingino et qui semble très prometteur et j’attends deux embryons d’Aganix du Seigneur cette année.
J’élève aussi avec Gigi van het Daalhof, une excellente jument qui a malheureusement été accidentée. C’est une Kashmir van Schuttershof x Clinton. Cela a été plus difficile pour elle de remplir mais maintenant j’ai eu un Cumano avec elle et un Quaprice. J’ai utilisé l’ICSI (NDLR : technique de fécondation in vitro) l’an dernier avec Gigi parce que pour une raison que j’ignore je n’arrivais pas à avoir d’embryons en transfert. J’ai eu plus de chance avec elle en utilisant la méthode ICSI. J’ai choisi d’utiliser cette méthode parce que les embryons n’accrochaient pas, elle ne les gardait pas et en essayant l’ICSI et cela a fonctionné. En revanche avec Sky-High je fais du transfert d’embryons car l’ICSI coûte beaucoup plus cher qu’un transfert classique et cela ne sert à rien de le faire si le transfert fonctionne.
Je ne suis pas un expert en élevage mais j’aime bien écouter et regarder ce que font les autres gens. Je choisis des étalons qui me semblent bons et qui ont l’air de correspondre plus ou moins à mes juments. Mais encore une fois ce n’est pas mon domaine d’expertise, je suis meilleur pour trouver et former des chevaux !
L’élevage est quelque chose que je veux continuer à faire, mais à petite échelle. Je pense que c’est vraiment intéressant. Je veux le faire seulement avec des juments vraiment qualiteuses parce que les coûts montent vraiment très vite, particulièrement en Belgique. Quand on peut avoir beaucoup de terrain, c’est différent. Je veux faire ça avec de bonnes juments qui ont fait leurs preuves dans le sport comme par exemple Hope ou Itchy si j’ai un jour la chance de pouvoir le faire. Quoi de mieux que d’élever avec l’un des meilleurs chevaux que je n’ai jamais eu ?
C’est un avantage d’avoir monté les étalons et les juments car on les connait bien. Bien sûr il faut faire les bons mariages et espérer que le meilleur ressorte car si les défauts de chacun ressortent ce n’est pas l’idéal et on n’a pas de chance !
Cela aide toujours d’avoir monté les juments car on connait leurs caractéristiques. Et je crois aussi que ce qui est la clé c’est qu’une fois qu’elles produisent et qu’on commence à voir des trois et quatre ans on a une idée de la direction à prendre pour les croisements, c’est vraiment important.
Quels conseils pouvez-vous donner aux cavaliers qui voudraient devenir professionnels ?
C’est très important d’être patient, de croire en soi. On ne voit pas toujours le résultat le lendemain, mais si l’on continue sur son plan vers des objectifs on arrive à son but.
Je pense qu’il faut être très positif et travailleur. Ne pas utiliser l’excuse : « je n’ai pas de chance ». C’est facile de le dire mais si l’on n’essaye pas, la chance ne vient pas dans son sens. Si l’on tape à la porte d’une manière ou d’une autre cela fonctionne.
Cela a été très frustrant pour moi de passer d’avoir un cheval dans les Grands Prix 5* et Coupes des Nations à pendant trois ans ne rien faire sur de gros concours. A ce moment ce n’était pas facile pour moi car je n’avais personne pour me dire d’être patient et calme. J’ai eu des hauts et des bas et à la fin cela a fonctionné.
C’est ce que j’ai appris et que j’aime bien dire aux jeunes cavaliers : « croyez en vous, travaillez, soyez ouverts aux opportunités et continuez d’essayer même si vous échouez. »
Quels sont vos cavaliers préférés ?
Il y a beaucoup d’excellents cavaliers sur le circuit mais il y en a trois que j’admire plus particulièrement :
Ludger Beerbaum pour sa patience, sa légèreté, son engagement et ses qualités de véritable homme de cheval. J’admire le fait qu’il ait été capable de former continuellement des chevaux pour rester au top niveau depuis de nombreuses années !
Laura Kraut pour son côté combatif. Elle y croit toujours et donne tout en parcours pour parvenir à son but.
Enfin Jeroen Dubbeldam pour ses grandes qualités de sportif et sa capacité à garder la tête froide et à se transcender sous la pression.
Quel est le cheval de vos rêves ? Quel est le genre de cheval que vous aimez ?
L’un des mes chevaux favoris est Flora de Mariposa parce qu’elle a un grand nombre de qualités que j’aime chez un cheval : elle est intelligente, elle a des moyens, de la trajectoire, elle est rapide, elle saute aussi bien en indoor qu’à l’extérieur, n’est pas dérangée par les différents environnements et les différents types d’obstacles.
A la fin c’est vraiment simple, tout dépend si le cheval veut jouer le jeu ou non. S’il est intelligent il apprend et se développe. J’aime les chevaux intelligents, avec des réflexes et un grand cœur. Je peux faire des sacrifices sur la taille, le look ou la technique, en tout cas pour le sport.
Pour le commerce par contre c’est différent. Pour ne pas être perdant il faut des chevaux plus classiques, particulièrement au début. Une fois qu’ils ont fait des performances, ce n’est plus vraiment important mais on ne peut pas toujours attendre un cheval jusqu’à dix ou onze ans pour qu’il prouve sa valeur.
Quels sont vos objectifs à court et à long terme ?
Je veux développer les écuries et récupérer davantage de chevaux pour Sam et moi. J’espère augmenter le business, le chiffre d’affaires, me développer davantage sur le marché américain et bien sûr arriver au plus haut niveau possible dans le sport. Tout va de pair, il faut faire de bons résultats en concours car des résultats donnent plus d’opportunités et développent le business.
A court terme, en 2017, j’aimerais pouvoir intégrer une équipe du Global Champions Tour. Si ce n’est pas le cas, je prévois d’aller peut-être à Spruce Meadows pendant l’été, il y a de très bons concours là-bas.
A moyen terme, les JEM 2018 sont mon objectif. Je voudrais me préparer dans ce but. Mes deux juments (Hope et Itchy) sont très intéressantes et, si elle ne sont pas vendues, pourraient me permettre d’atteindre cet objectif. Le temps nous dira si nous serons prêts à ce moment-là.
Les Jeux Olympiques ont toujours été mon rêve mais c’est dans quatre ans alors c’est encore dur de se projeter, nous verrons bien.
Fin
Photo 1 : Itchy van het Lambroeck, fille de l’excellente Florette van het Lambroeck (E. Tops-Alexander), est un grand espoir d’Abdel pour l’avenir – Crédit photo Claire Simler
Photo 2 : Ludger Beerbaum, qui a su rester en permanence au plus haut niveau, est un modèle pour Abdel - Crédit photo Claire Simler
Photo 3 : Abdel Said apprécie particulièrement Jeroen Dubbeldam pour sa capacité à se transcender lors des grands évènements – Crédit photo Claire Simler
Photo 4 : Les écuries d'Abdel comptent une trentaine de boxes - Collection privée
Ce week-end, Bordeaux accueille l’avant-dernière étape du circuit d’Europe de l’Ouest de la Coupe du Monde. Daniel Deusser, Christian Ahlmann, Marcus Ehning, Scott Brash, Steve Guerdat, Lorenzo de Luca, Bertram Allen, Ludger Beerbaum, Henrik von Eckermann, Gregory Wathelet, Edwina Tops-Alexander ou encore Nicola Philippaerts sont engagés. Treize cavaliers français prendront le départ, dont Kevin Staut, leader du circuit, mais aussi Roger-Yves Bost, Simon Delestre, Pénélope Leprévost et Olivier Robert, qui peuvent encore prétendre à une qualification pour la finale.
La tournée d’hiver se poursuit à Wellington, où un CSI4* et une étape de la Coupe du Monde de disputent tout au long de la semaine.
A suivre également l’étape Coupe du Monde d’Al Ain, les CSI3* d’Offenburg et Villach Treffen ainsi que les CSI2* de Lublin et Opglabbeek.
Trois rendez-vous sont au programme pour les passionnés d’élevage : l’expertise du KWPN qui se déroule à ‘s-Hertogenbosch, la présentation des étalons du Holstein et le salon des étalons de Bordeaux, où une trentaine d’étalons seront présentés de jeudi à dimanche. Deux épreuves réservées aux étalons âgés de sept et huit ans sont organisées en parallèle et se disputeront sur la piste principale.
CSIW de Bordeaux : Résultats en ligne – Live Streaming
CSI4* de Wellington (Usa) : Résultats en ligne – Live Streaming
CSI3*-W d’Al Ain (Uae) : Site Internet du concours
CSI3* d’Offenburg (Ger) : Résultats en ligne – Live Streaming
CSI3* de Villach-Treffen (Aut) : Résultats en ligne – Live Streaming
CSI3*-W de Wellington (Usa) : Résultats en ligne – Live Streaming
CSI2* de Lublin (Pol) : Résultats en ligne
CSI2* d’Opglabbeek (Bel) : Résultats en ligne
Approbations du KWPN à ‘s-Hertogenbosch (Ned) : Résultats en ligne – Live Streaming
Présentation des étalons privés du Holstein, le 3 février à Elmshorn (Ger) : Live Streaming
Présentation des étalons du Holsteiner Verband, le 4 février à Neumünster (Ger) : Live Streaming
Troisième partie de notre entretien consacré à Abdel Said.
Comment se déroule votre journée type ?
Les chevaux sont nourris à 7h30 et j’arrive généralement aux écuries vers 8 heures et nous faisons le planning de la journée, puis je commence par monter les chevaux que je sors en compétition.
Je consacre l’après-midi à l’enseignement et à la recherche de chevaux. Parfois je passe tout l’après-midi à enseigner et je saute dans la voiture pour essayer des chevaux le soir. On essaye des chevaux en Belgique mais va aussi aux Pays-Bas, en Allemagne… Quand je vais essayer des chevaux en France c’est différent car à ce moment-là on part à cinq heures du matin étant donné que c’est assez loin et on y passe la journée. La plupart du temps nous allons en Normandie et pas à Lille qui serait plus près (rires) !
Nous allons principalement voir des chevaux en Belgique et aux Pays-Bas parce que je connais les gens et que c’est plus simple pour moi. Bien sûr quand je cherche un cheval de Grand Prix je n’hésite pas à me déplacer plus loin.
Que pensez-vous de la France d’un point de vue commercial ?
Je pense que la France est un pays vraiment intéressant mais il faut un peu savoir où l’on va. C’est un pays qui a beaucoup de potentiel. On peut trouver des superstars mais les trouver au bon prix à ce moment-là ce n’est pas si facile parce que certaines personnes ne voient pas que les cavaliers ont encore beaucoup de travail à faire une fois qu’ils ont acheté les chevaux.
Avez-vous vraiment l’impression que les gens ont tendance à surévaluer les prix des chevaux en France plus qu’en Belgique ?
Je pense que c’est à peu près pareil en Belgique. Quand les gens voient qu’ils ont un cheval de qualité, ils mettent immédiatement un gros prix dessus. La qualité d’un cheval n’est pas tout, ce n’est qu’un début. Il doit être construit et formé. Il y a de nombreux coûts à rajouter sur le cheval avant qu’il ne soit prêt et je pense que c’est quelque chose sur laquelle les cavaliers et les éleveurs doivent réfléchir ensemble pour arriver à un prix juste. Les éleveurs ne doivent pas avoir le sentiment que les cavaliers achètent leurs chevaux à un prix trop faible mais en même temps les cavaliers ne doivent pas surpayer un cheval à former car à un moment donné ça coince. A mon avis les deux ont besoin l’un de l’autre et s’ils coopèrent davantage il y a un cercle vertueux.
Je pense qu’il faut être prudent de ne pas vendre un potentiel et ne pas donner par exemple à un cheval de sept ans le prix qu’il aurait après deux années de Grands Prix cinq étoiles. Aux Pays-Bas, les gens ont davantage les pieds sur terre.
Vous êtes très actif aux Etats-Unis, quelles sont les spécificités de ce marché ?
Nous vendons beaucoup de chevaux aux Etats-Unis par l’intermédiaire de Cian O’Connor mais aussi d’entraîneurs qui ne sont pas forcément des noms célèbres dans le sport mais qui ont de grosses écuries aux Etats-Unis. Nous travaillons aussi avec les Hendrix et j’ai moi-même quelques bons clients qui sont dans mon écurie et achètent de bons chevaux à des prix élevés.
Le business aux Etats-Unis est complètement différent de ce que l’on voit en Europe. Généralement, les clients veulent le meilleur mais ils sont aussi prêts à payer le prix. Les chevaux doivent être faciles à monter, bien dressés et doivent avoir de bonnes performances. Encore une fois cela dépend, je parle de la majorité des cas. En général les visites vétérinaires doivent être très bonnes.
Qu’est-ce que votre victoire à Vérone a changé pour vous ?
Pour moi personnellement cette victoire a été une grande source de satisfaction, ça a vraiment été un « bouleversement » pour ma carrière. En tant qu’enfant j’ai grandi en regardant les Coupes du Monde Volvo en 1997 et 1998, le mercredi soir sur Eurosport, c’étaient les meilleurs moments de ma semaine. C’était un rêve pour moi de gagner un jour une Coupe du Monde à ce moment-là et que cela devienne réalité, particulièrement à Vérone qui est l’un de mes concours préférés et en plus avec un cheval qui m’appartenait m’a donné beaucoup de satisfaction et de confiance.
Dans notre sport, tout repart à zéro chaque semaine et il faut prouver chaque semaine mais cela plus les nouvelles installations plus le fait d’avoir vendu Good Luck à Cian ainsi que d’autres chevaux, cela commence à nous établir comme une écurie sérieuse en Europe. Vérone était la cerise sur le gâteau.
Suite et fin demain !
Photo 1 : Les écuries d'Abdel Said sont installées dans un cadre verdoyant - Collection privée
Photo 2 : Good Luck, le crack de Cian O'Connor, a été vendu à ce dernier par l'intermédiaire d'Abdel Said - Crédit photo Claire Simler
Photo 3 : A Vérone, en compagnie de la prometteuse Hope van Sherpen Donder, Abdel s'est adjugé le Grand Prix Coupe du Monde, signant du même coup la plus belle victoire de sa carrière - Crédit photo : DR Jumping Verona
Deuxième partie de notre entretien avec le cavaliers egyptien Abdel Said, qui nous parle plus en détails de ses deux montures de tête en 2016, Hope va, Sherpen Donder et California, ainsi que de son fonctionnement.
Pouvez-vous nous parler de California qui a fait une superbe saison 2016 avant d’être vendue aux écuries Tops ?
J’ai participé à la tournée américaine l’an dernier et plusieurs de mes chevaux ont été vendus là-bas. C’était très intéressant pour le commerce mais je n’y suis pas allé pour le sport si ce n’est pour faire avancer Hope et je n’attendais pas d’autre. J’ai finalement reçu un appel d’un des copropriétaires de California, Johan Lenssens, qui m’a dit « Abdel, nous avons une jument qui pourrait vraiment bien te convenir, peux-tu aller l’essayer ? ». Il m’a envoyé le numéro des gens chez qui elle était stationnée. Je l’ai essayée et je l’ai vraiment aimée. J’ai donc commencé à la monter en compétition.
La première semaine je l’ai montée dans une 1,20m, le lendemain dans une 1,30m, puis une 1,35m. Je me sentais très bien avec elle et la semaine d’après j’ai sauté 1,40m, puis une ranking à 1,45m. La semaine suivante elle a sauté une 1,50m et a continué de progresser. A la fin de la tournée elle a été double sans-faute et 5ème dans une épreuve à 86000 dollars du CSI5* qui était une 1,55m.
Elle a ensuite débuté la saison en Europe à La Baule. Elle était verte et je pouvais parfois faire une faute à cause de son manque d’expérience à ce niveau. Elle a commencé à être vraiment régulière au CSI3* de Knokke. Elle a gagné le petit Grand Prix la première semaine et le Grand Prix la deuxième. Depuis elle n’a fait que monter et progresser. Elle a été 2ème à La Corogne, puis 2ème du Grand Prix CSIO de Gijon. J’ai fait mon dernier concours avec elle à Barcelone. Je trouve qu’elle a sauté de manière incroyable le premier jour. Nous avons eu une incompréhension, j’étais trop près et elle n’a pas pu complètement finir sa dernière foulée, ce qui a occasionné une faute sur une entrée de double, mais elle a fait des choses vraiment incroyables alors que c’était une épreuve difficile. J’ai toujours pensé qu’elle était spéciale mais sur ce parcours elle l’a vraiment confirmé. Beaucoup de personnes se sont intéressées à elle à ce moment-là puis Jan et Edwina ont essayé la jument après Barcelone et ils ont eu un bon sentiment. J’ai eu des sentiments partagés : en tant que cavalier, c’est toujours difficile mais mon business passe en premier alors même si j’étais proche de la jument et que je l’estimais beaucoup pour moi c’est une histoire réussie car la jument a beaucoup évolué à partir du moment où j’ai commencé à la monter. Elle est passée du niveau 1,40m en 1,60m en sept mois avec des résultats et le fait qu’elle ait été vendue à Jan est une vraie réussite pour moi. C’était réconfortant même si j’ai perdu l’un de mes meilleurs chevaux et cela a été un plaisir de voir la jument si bien sauter avec Edwina dans leur première grosse épreuve ensemble, le Grand Prix de Paris, j’ai trouvé que c’était l’un des meilleurs chevaux de l’épreuve.
Parlons maintenant d’Hope, la jument avec laquelle vous avez gagné le Grand Prix Coupe du Monde de Vérone
J’ai acheté Hope à l’été de ses sept ans. Elle m’a tapé dans l’œil lors d’un concours à Opglabbeek. J’étais assis en train de prendre un café, j’avais fini et j’étais sur le point de partir. A ce moment-là se déroulait la grosse épreuve, une 1,40m. Elle est rentrée sur le paddock, et, comme j’aime bien les chevaux légers et dans le sang elle m’a directement tapé dans l’œil, c’était une jolie jument. Ensuite je l’ai regardé sauter et je me suis dit : « ok, c’est une jument sympathique et mignonne » mais je n’ai pas senti tout de suite un gros futur. Et ensuite, quand je sortais du concours, je suis passé devant la piste, je l’ai vue sauter l’épreuve et elle a fait un sans-faute. J’ai regardé la liste et je me suis rendu compte qu’elle n’avait que sept ans. Elle sautait vraiment bien par rapport au fait que c’était déjà une belle épreuve pour son âge. Je suis allé l’essayer et j’en suis tout de suite tombé amoureux, elle a fait des choses incroyables pendant l’essai. Ce n’était pas la plus facile, mais elle a fait des choses formidables, j’ai par exemple sauté un triple et elle a fait quelque chose de fantastique que peu de chevaux peuvent faire. Depuis elle a fait de très bonnes choses avec moi, j’ai probablement eu la plus belle victoire de ma carrière jusqu’ici grâce à elle.
J’ai aussi en ce moment une jument dans laquelle je fonde beaucoup d’espoirs, Itchy van het Lambroeck (Berlin x For Pleasure), qui vient de prendre neuf ans (NDLR : fille de Florette van het Lambroeck qui brille dans les CSI5* avec Edwina Tops-Alexander). Je l’ai depuis qu’elle a sept ans. Je pense qu’il lui manque encore un an et il faut toujours être prudent avec les chevaux mais selon moi cela va vraiment être une jument très spéciale avec tout le potentiel : la puissance, la couverture, le cœur, la tête, nous avons juste le temps contre nous pour le moment car elle manque encore un peu d’expérience.
Beaucoup de chevaux que vous montez vous appartiennent, pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Les bons propriétaires, les gens qui soutiennent vraiment les cavaliers, qui investissent et restent derrière les cavaliers ne sont pas si nombreux, je pense qu’on les compte sur les doigts d’une main dans tous les pays.
Je suis le genre de personne qui ne veut pas attendre la chance en m’apitoyant sur mon sort. J’ai pensé : « quel est l’autre moyen de faire du beau sport ? ». J’ai travaillé dur, généré du business et j’ai essayé de retrouver des jeunes chevaux. Pour moi c’est très simple, comme je n’ai pas de sponsor derrière moi qui me dit qu’il me soutient juste pour le sport, tous mes chevaux sont à vendre, mais tant qu’ils ne sont pas vendus je les développe dans le sport.
Pouvez-nous vous parler de votre business ? En quoi consistent vos activités ? Quels sont vos partenaires ?
Mon business se compose de trois différentes activités :
- Formation et vente de chevaux, ce que je fais aujourd’hui avec Samuel Hutton qui est un excellent cavalier, talentueux et sérieux.
- Recherche et détection de chevaux, pour laquelle Philippe de Balanda m’aide beaucoup. J’ai embauché une personne supplémentaire pour cela car j’ai le sentiment que nous sommes en train de nous développer et que je ne pouvais pas continuer à m’occuper de tout
- Coaching et pensions. J’ai de bons clients qui sont installés chez moi toute l’année et pour lesquels je fais tout le management. Entraînement, recherche de chevaux, management des compétitions, vétérinaire… Ils ont juste besoin de venir monter, nous nous occupons du reste.
Cette année, j’ai pris la décision d’acheter ma propre écurie ce qui a été un gros changement qui je pense est très important pour l’évolution de mon business parce que cela va générer des opportunités. C’est différent lorsque l’on est chez soi et je suis vraiment heureux de ce changement. J’entretiens toujours d’excellentes relations avec la plupart des éleveurs. L’un d’entre eux par exemple est la famille Theeuwes qui élève d’excellents chevaux. Je travaille aussi avec d’autres bons éleveurs ici et là qui m’appellent, me montrent leurs chevaux et, si je les aime bien, je les prends. J’entretiens par exemple d’excellentes relations avec les éleveurs à qui j’ai acheté Itchy et nous avons aussi fait des choses ensemble sur d’autres chevaux.
J’aimerais devenir une référence comme Stephex ou Hendrix, où les gens savent que s’ils ont un bon cheval ils peuvent l’emmener et qu’il y a de bonnes chances pour que je l’achète où que je le vende à l’un de mes bons clients.
Toutes ces activités me donnent beaucoup de travail et je me suis rendu compte qu’il fallait que je réunisse du personnel autour de moi pour m’aider car si je veux faire du sport au top niveau, rechercher des chevaux, entraîner les clients tout seul ce n’est pas possible. Actuellement il y a à peu près dix personnes qui travaillent pour moi.
Il y a trente-deux boxes dans mes écuries. Elles sont vraiment remplies en ce moment et il m’en faudrait cinq de plus mais je me suis dit que je n’allais pas le faire, je préfère rester sur ce nombre de chevaux en recherchant la qualité.
La suite demain !
Photo 1 : Sous la selle d'Edwina Tops-Alexander depuis fin 2016, California a brillé sous la selle d'Abdel Said, se classant notamment 2ème du Grand Prix CSIO de Gijon - Crédit photo : Claire Simler
Photo 2 : Avec Hope van Sherpen Donder, Abdel a remporté le Grand Prix Coupe du Monde de Vérone qui est jusqu'alors le plus beau succès de sa jeune carrière - Crédit photo : Claire Simler
Photo 3 à 5 : Abdel Said a récemment acheté ses propres installations, situées en Belgique près d'Anvers - Collection privée
A 27 ans, Abdel Said est déjà doté d’une belle expérience. Auteur d’une superbe saison 2016, le cavalier égyptien a crevé l’écran en novembre à Vérone en s’adjugeant le Grand Prix Coupe du Monde. Webstallions vous propose de découvrir son parcours, ses chevaux, son fonctionnement et ses aspirations dans une interview passionnante.
Quel a été votre parcours ?
Je suis né à Alexandrie et j’ai commencé à monter à cheval à 5 ans dans un club où je pratiquais également d’autres sports. Au bout d’un an, je me suis intéressé au saut d’obstacles et j’ai décidé d’arrêter les autres sports et de monter à cheval de manière plus sérieuse. Mes parents m’ont acheté à cette époque deux chevaux arabes et j’ai commencé à travailler avec un entraîneur local à ce moment-là.
Quand j’ai eu dix ans, je suis allé aux Pays-Bas avec mes parents et mon entraîneur de l’époque pour chercher un cheval. Nous sommes venus pour acheter un cheval et nous en avons finalement acheté deux chez Emile Hendrix. Mes parents se sont bien entendus avec la famille Hendrix et l’année d’après, pendant mes vacances d’été, mes parents ont demandé à Emile si je pouvais venir m’entraîner là-bas pour apprendre. Il a accepté et depuis nous n’avons jamais quitté l’Europe. Mes parents m’ont inscrit dans une école internationale à Eindhoven. J’allais à l’école toute la journée et tous les soirs je montais deux chevaux avec Emile, puis je faisais mes devoirs en rentrant. J’ai fonctionné comme cela jusqu’à l’obtention de mon diplôme à 18 ans.
Ensuite j’ai voulu passer professionnel mais il y a eu la crise financière et mes parents ne pouvaient plus m’aider. J’ai donc commencé à travailler chez Jos Lansink, ce qui a été une très bonne expérience. Je suis resté là-bas un an. Puis j’ai entendu parler d’un emploi chez Star Horses, qui était un poste qui me correspondait davantage puisque cela me permettait de faire de plus gros concours alors que chez Jos je m’occupais davantage de préparer les chevaux pour les vendre. J’ai pris ce poste, ce qui à cette époque a été une très bonne décision pour ma carrière. J’ai eu un très bon cheval appelé Avenir (Phin Phin x Flamingo). Ce cheval, qui était le seul que je montais à ce niveau à l’époque, m’a mené jusqu’à la 65ème place mondiale, ce qui était formidable. Quelques semaines avant les JEM du Kentucky, le propriétaire et moi avons eu une mésentente et j’ai décidé de commencer me mettre à mon compte. J’ai sacrifié le fait d’aller aux JEM mais je pense que c’était la bonne décision.
Pouvez-vous nous parler de vos chevaux marquants ?
Avant Avenir j’ai eu un des meilleurs chevaux, si ce n’est le meilleur cheval de ma vie, une jument qui s’appelait Sky-High (Garmisch x Casimir). Mes parents avaient acheté la jument à cinq ans à Emile Hendrix, c’était d’ailleurs le cheval que nous avions acheté le plus cher à ce moment-là. J’étais fou d’elle. Normalement il n’était pas prévu d’acheter un jeune cheval pour un jeune garçon mais je l’aimais tellement que j’ai poussé Emile à me la présenter. Cette jument a été incroyable pour moi. Quand j’ai eu 18 ans, nous avons été 4èmes du Grand Prix CSIO de Dublin, fait la finale de la Super League à Barcelone où nous avons réalisé un sans-faute dans le Grand Prix et été sans-faute dans le Grand Prix Coupe du Monde d’Oslo. Malheureusement elle s’est blessée gravement en transport dans le bateau qui l’amenait à Helsinki. Cela a été vraiment bouleversant pour moi humainement, d’autant plus que ça m’a vraiment fait redescendre sportivement parlant. Perdre Sky-High a certainement été ma plus grande déception jusqu’à ce jour.
Heureusement, après elle, j’ai eu Avenir qui était vraiment une star et m’a permis de remonter. Nous avons eu de très bons résultats, comme une 2ème place à Anvers, une 5ème à Londres, une victoire dans une grosse épreuve à Londres et Anvers. C’était vraiment un bon cheval.
J’ai ensuite eu la chance de rencontrer François Leiser (NDLR : propriétaire à l’époque de Carlina, Ulysse…), qui a été vraiment bien avec moi, je ne peux dire que de bonnes choses à son sujet. Même si ses chevaux de tête étaient montés par Pius Schwizer, j’ai saisi l’opportunité de monter pour lui et j’ai essayé de faire de mon mieux avec une attitude positive, je pense que François appréciait cela. J’ai monté pour lui Duc de Mariposa (Nabab de Reve x Primo des Bruyeres) à partir de ses 7 ans et à la fin j’ai fait quelques étapes du Global Champions Tour avec lui même si ce n’était peut-être pas complètement un cheval pour ce niveau. Il a aussi été sans-faute dans le Grand Prix d’Oslo à huit ans, sans-faute dans le Grand Prix de Leipzig… donc nous avons eu de bons résultats. Nous sommes passés tout près de la qualification pour les JO, j’ai fait quatre points sur le dernier au barrage !
Après cela j’ai monté Der Senaat 111 (President x Burggraaf), un bon étalon d’Harrie Theeuwes chez qui mes chevaux étaient installés et pour qui je montais un peu. Il a fait un très bon concours à Londres où il a terminé 5ème du Grand Prix et il a aussi fait d’autres bonnes performances.
Par la suite j’ai eu Vingino (Voltaire x Cassini I) (NDLR : acheté lors de la vente aux enchères Eurocommerce) qui m’a remis sur le devant de la scène. Il a été 5ème à Mannheim et il a fait de bonnes choses en CSIO. Il m’a emmené aux JEM qui n’a pour être honnête pas été ma meilleure expérience mais cela m’a vraiment appris ce à quoi je devais m’attendre la prochaine fois. C’est en cela que je regrette de ne pas être allé à Lexington en 2010. Je me suis toujours dit que pour aller à un concours il fallait avoir une chance de gagner, mais ce n’est pas toujours complètement vrai. Si j’étais allé à Lexington, je me serais préparé de manière complètement différente pour les JEM de Caen, qui a par ailleurs été pour moi un formidable événement, l’un de mes préférés de toute ma carrière, avec une atmosphère incroyable dans le stade. J’ai tiré du positif de cette expérience négative, maintenant je sais à quoi m’attendre la prochaine fois que je participerai à un championnat. Ce n’est pas comme n’importe quel autre concours, la pression est complètement différente, les obstacles sont gros dès le premier jour, il y a de la pression à monter pour son pays, le public, c’est vraiment autre chose.
J’ai également monté Dakota (Cento Lano x Ireco) qui a été une jument très utile pour moi. Nous l’avions achetée en même temps que Vingino. Je l’ai montée pendant quelques mois et elle a ensuite été vendue aux Etats-Unis. Ensemble, nous avons terminé 2èmes du Grand Prix de Paderborn. Elle a été 7ème du GP au CSIO d’Abu Dhabi. Ce n’était pas vraiment une jument pour sauter un championnat mais une vraie jument de concours.
La suite, c'est demain !
Photo 1 : Abdel Said - Collection privée
Photo 2 : Avenir a permis à Abdel Said de remporter de nombreuses épreuves internationales. Le couple s'est séparé juste avant les JEM de Lexington - Crédit Photo Claire Simler
Photo 3 : Vingino a permis à Abdel de participer aux Jeux Equestres Mondiaux de Caen - Crédit photo Claire Simler
Photo 4 : Dakota, vendue aux Etats-Unis, a permis à Abdel de se classer 7ème du GP CSIO d'Abu Dhabi - Crédit photo Claire Simler